Les rues d'Al-Jeit

Elerinna Calaelen · **Ancien(ne)**

// Le jeune Aksel se comportait comme un véritable gentleman auprès d'une Aliya plus apeurée que ce qu'elle ne voulait bien le montrer. Elle jetait des regards circulaires sur la foule qui les entourait comme si elle fut une bête de foire prise au piège. Les traits des Marchombres étaient tirés par la colère d'avoir été ainsi provoqués par un simple gamin, aussi courageux soit-il. Mais ils n'osaient plus s'approcher de la jeune fille, prenant conscience qu'ils l'avaient déjà bien assez violentée et effrayée alors que là n'était pas du tout le but de la mission. Il allait falloir employer la manière douce, ce qui s’avérait difficile quand ils étaient habitué aux besognes meurtrières. Ils sortaient de leur antre pour trouver, capturer ou tuer. Pas pour faire les intermédiaires entre une danseuse des rues plus sauvage qu'un chat enragé et une histoire de famille complexe.

Mais ni Aksel ni Aliya n'avaient conscience de tout ce qui pouvait se passer dans la tête de ceux qu'ils considéraient comme ravisseurs à l'instant présent. Ils ne s'en doutaient pas le moins du monde et avaient pour seul envie de trouver un échappatoire à cette foule oppressante. //

- On pourrait en discuter en allant se promener plus loin ? demanda-t-il d'une voix calme.

// La brunette entendit les Marchombres grogner à cette proposition. Ils ne voulaient visiblement pas les voir s'éloigner, mais leur avis ne comptait guère. Sans dire un mot elle suivit Aksel qui se faufilait à travers la masse de badauds, non sans donner de-ci de-là quelques coups d'épaules pour leur frayer un chemin. Bientôt, la foule devint moins dense et ils se retrouvèrent de l'autre côté de la place, continuant dans une rue presque déserte. Le calme après la tempête. Aussi loin qu'Aliya portait son regard, tout danger semblait écarté. Pourtant ses muscles encore prêts à bondir étaient à l’affût du moindre bruit, du moindre mouvement suspect. Se détendre ne faisait pas partie de son vocabulaire. Elle suivait celui qui ne lui voulait que du bien sans pouvoir s'empêcher d'être à la fois méfiante et reconnaissante à son égard.

Elle se retourna d'un coup, faisant sursauter le pauvre Pichu sur l'épaule de son sauveur. Elle perçait de son regard le haut de la ruelle d'où ils venaient et aperçu sans mal les Marchombres qui les avaient suivi à bonne distance. Ils cherchaient à peine à se dissimuler. //

- On dirait qu'ils ne sont pas décidé à me lâcher, dit-elle. Ils m'ont attrapé alors que j'étais sur la place, en disant quelque chose à propos de mon grand-père. Mais je n'ai pas de grand-père. Je sais qu'ils mentent et je ne sais pas ce qu'ils veulent..

// Elle avait plutôt bien résumé la situation à Aksel, ou tout du moins la situation comme elle la voyait. Passant sous silence les zones ombres dont elle ne se doutait même pas, la seule solution semblait ainsi de s'enfuir en courant. N'avait-elle pas déjà trop fui ?

Il n'y avait plus qu'elle, Aksel et les marchombres dans cette ruelle, et chacun d'entre eux étaient partagés par des émotions contraires. Aliya qui aurait voulu prendre ses jambes à son cou, mais qui ne souhaitait pas laisser Aksel en plan après qu'il l'ait sauvée, et en qui l'évocation d'un certain ancêtre avait éveillé une once de curiosité. Aksel qui devait le respect à ses supérieurs hiérarchiques et qui avait bafoué la loi en les percutant pour jouer les preux chevaliers. Que devait-il faire désormais ? Convaincre Aliya d'aller boire un thé avec les Marchombres ? "Et au fait, je suis un apprenti Marchombre, je t'assure ils ne sont pas si méchants, ça te dirait d'aller papoter tous ensemble, ils ont peut-être des trucs à t'apprendre". Ridicule. Et les Marchombres, ces hommes tout de noir vêtus à qui leur toute nouvelle mission ne seyait pas le moins du monde. Il n'était pas question d'apeurer encore cette jeune fille plus précieuse à leur yeux qu'elle ne pouvait se l'imaginer, mais pas question non plus de la perdre de vue.

Tous autant qu'ils étaient se dévisageaient, pesaient les pour et les contre dans l'immobilité de la ruelle adjacente à la place bruyante. Tous ne savaient que faire et aucun d'eux ne bougeait, attendant la réaction de l'autre pour aviser, dégainer ou au choix filer au plus vite. //

Thalia Gilsayan · **Joueuse**

- On dirait qu'ils ne sont pas décidé à me lâcher, dit-elle. Ils m'ont attrapé alors que j'étais sur la place, en disant quelque chose à propos de mon grand-père, expliqua-t-elle. Mais je n'ai pas de grand-père. Je sais qu'ils mentent et je ne sais pas ce qu'ils veulent...

audacieusement

fredaine

- C'est... Compliqué. Peut-être qu'il ne mentent pas...

// Aksel ne s'était pas senti le courage de révéler explicitement la vérité à la jeune fille, surtout en pareil moment. Peut-être plus tard, dans un endroit plus calme et plus sûr, si elle ne s'était pas enfuie d'ici là ou ne l'avait pas appris d'une manière ou d'une autre. //

- Dans tous les cas, ces hommes me paraissent louches, à ta place je ne m'y fierais pas, lui conseilla-t-il, sachant pertinemment que cette recommandation était tout à faite inutile car déjà mise en oeuvre. Peut-être qu'ils ne sont pas ce qu'ils prétendent être. Bien qu'en fait, ils n'aient rien prétendu être, mais voila.

// En effet ces individus prenaient de plus en plus le visage de Mercenaires du Chaos, sans qu'il sache pourquoi, ou bien il devenait juste paranoïaque ; mais ils ne lui inspiraient pas confiance. Et, comme on disait, il fallait toujours se fier à ses premières impressions. Du moins, dans certains cas. //

- Bref. Qu'est-ce qu'on fait ?

// Il avait prononcé cette dernière phrase en regardant très gravement Aliya, attendant qu'elle lui fournisse une réponse. Il avait une petite idée de ce qu'elle lui répondrait, mais voulait s'en assurer ; loin de lui l'idée de vouloir lui imposer une conduite à adopter, c'était à elle d'effectuer son choix. Il n'était que là pour l'aider et/ou la protéger, quoi qu'elle décide de faire. En attendant, mieux valait qu'elle prenne une décision rapide, car la petite troupe de prétendus Marchombres ne tarderait pas à combler l'écart qui les séparait. Et s'ils étaient mal intentionnés et qu'ils passaient à l'attaque, maintenant, dans cette ruelle éloignée de tout... Autant dire qu'ils étaient dans de sales draps. //

Elerinna Calaelen · **Ancien(ne)**

// Les hommes, bien que visiblement plus calmes, n'avaient pas perdu leur aspect menaçant et ne prenaient pas la peine de se cacher. Alors qu'Aliya s'était échappée de la foule grâce à Aksel, elle les voyait encore, non loin d'eux, les observer d'un regard noir. Ils s'approchaient dangereusement et il ne manquait plus que les deux jeunes gens se mettent à courir pour que les supposés marchombres se jettent à leurs trousses. De quel droit entravaient-ils leur liberté de la sorte ? Aliya n'était pourtant pas une criminelle, pas des plus dangereuse en tout cas ... On ne se faisait pas jeter en prison pour quelques vols à l'étalage pensait-elle, ou du moins espérait-elle. //

- C'est... Compliqué. Peut-être qu'il ne mentent pas...

// La jeune fille se raidit. Son sauveur était-il donc finalement de leur côté ? L'avait-il aidé à s'échapper des griffes de ses agresseurs pour mieux la jeter dans la gueule du loup ? Après tout, elle ne connaissait rien de lui. Son prénom, bien qu'elle peinait même à s'en souvenir. Les conditions de leur première rencontre. Mais c'était tout. Pas de quoi lui faire confiance. Emplie d'inquiétude, Aliya ne savait que faire. Elle n'entendait plus ses paroles, percevait des sons sans les comprendre. Son cerveau embrumé lui faisait bourdonner les oreilles. Elle ressentait la pression autour d'elle, décuplée. Elle voyait les hommes en noir se rapprocher peu à peu, et Aksel lui parler puis se retourner, perdu dans ses réflexions. Qui était le gentil dans l'histoire ? Y en avait-il seulement un ? //

- Bref. Qu'est-ce qu'on fait ?

// C'était bien la question qu'elle se posait. S'enfuir en courant, loin des marchombres et loin d'Aksel ? Elle avait des grandes jambes et connaissait bien la ville, elle pourrait le semer. Choisir de lui faire confiance et l'emporter avec elle dans sa fuite ? Pour l'emmener où ? Elle hésitait à le croire, mais ne l'avait-il pas sauvée à plusieurs reprises ? Pourquoi lui voudrait-il du mal maintenant ?

Les marchombres se rapprochaient, la peur s'emparait d'elle, paralysait sa bouche. Les mots se bloquaient dans sa gorge, chaque pensée se heurtait à un mur de complications. Les marchombres étaient désormais bien trop près, s'ils se mettaient à courir l'un d'eux bondirait pour les attraper. Le plus proche tendit une main vers eux, tenta doucement de saisir à nouveau son poignet. Alors Aliya ne réfléchit plus, elle prit le premier objet qui lui tomba sous la main et frappa. Un coup sec, brutal. Le marchombre s’effondra. Elle lâcha la pierre et lorsque la première goutte de sang en tomba, elle se mit à trembler de tout son corps. L'homme à terre saignait du crâne, il avait les yeux fermés et le visage bloqué dans une sorte de contusion macabre. Ses collègues, qui l'avaient vu tomber, se jetaient des regards éberlués, démunis.

Tout se passa en un quart de seconde. Aliya saisit la main d'Aksel et l'emporta dans sa course folle. Elle jouait du coude pour se frayer un chemin dès qu'un passant entravait sa route, elle sautait par dessus les trous creusés dans la chaussée, se faufilait dans toutes les petites ruelles. De temps en temps, elle jetait un regard derrière elle. Les deux marchombres restant les poursuivaient évidemment, mais ils perdaient du terrain à mesure que l'on s'éloignait du centre-ville. Il fallait fuir et son inconscient l'avait poussée à prendre Aksel avec elle. Elle savait désormais où l'emmener. Vers les tréfonds de la ville, là où personne ne les trouvera. Elle allait l'emmener chez elle, si on pouvait seulement appeler ça un "chez-soi". Elle allait le plonger dans son quotidien et s'il survivait à la course et à la vue horrible, alors elle pourrait lui faire confiance.

Peu à peu, les ruelles se faisaient plus sombres. On ne voyait plus les marchombres derrière eux, mais Aliya continuait de courir, de peur de ne pas les avoir suffisamment semé. Le jeune homme semblait suivre le rythme, il ne trébuchait plus sur les pavés et s'était adapté aux changements de direction brusques. Il était finalement un bon coureur, ou avait tout du moins eu un bon entraînement.

Après plusieurs dizaines de minutes, la brunette ralentit enfin la cadence, pour se mettre à marcher un peu plus loin. Encore quelques mètres et elle se stoppa net, avant de tomber à genoux. //

- J'ai tué quelqu'un, dit-elle en se mettant à pleurer. Je ne voulais pas .. j'ai .. c'était un réflexe, c'est allé tellement vite. Il me menaçait et ... tu l'as vu comme moi, j'ai tué quelqu'un. Elle tremblait de tout son être. Qu'est-ce-que je vais faire ? Tu vas me dénoncer ? Pourquoi j'ai choisi de te faire confiance ?! Tu as dit qu'ils ne mentaient peut-être pas, tu es avec eux c'est ça ? Tu les connais ces hommes là ? Dans ses larmes se mêlait la colère. Et tu vas me tuer, maintenant que j'ai tué l'un d'eux. Hein ?!

// Elle devenait presque folle. Elle hurlait mais personne ne pouvait l'entendre excepté Aksel dans ce coin reculé de la ville. Agenouillée dans la boue, elle ne retenait plus ses larmes ni ses sursauts. Le jeune homme l'aura décidément vue dans ses pires états. Maintenant qu'ils étaient temporairement en sécurité, la question se renouvelait : que faire ? //

Thalia Gilsayan · **Joueuse**

// Aliya mit du temps à répondre à sa question. Beaucoup trop de temps. Ses pensées semblaient tempêter sous son crâne, à tel point qu'elle en avait perdu l'usage de la parole. S'ils ne se décidaient pas rapidement, il serait trop tard pour tenter quoi que ce soit ; mais Aksel avec fermement décidé de ne pas agir sans avoir reçu de réponse de son interlocutrice. Bien mal lui en prit : déjà, les hommes avaient comblé la distance qui les séparaient. Le demi-faël adopta une position défensive ; mais ce fut inutile, c'est vers Aliya que le chef de groupe tendit la main. Avant qu'Aksel n'ait pu s'interposer, celle-ci brisa soudain sa paralysie et cogna violemment le crâne de son agresseur. Au craquement sinistre qui résonna dans la ruelle, le jeune homme comprit à l'instant que c'était de mauvais augure. L'homme s'effondra comme une marionnette.

Puis ce fut la course. Profitant de la surprise générale, Aliya avait empoigné son bras pour l’entraîner à travers un dédale de ruelles. Incontestablement, alors qu'elle était totalement égarée dans les souterrains d'Al-Jeit lorsqu'ils s'étaient rencontrés, la jeune danseuse maîtrisait en revanche ce quartier comme sa poche. Cependant, malgré la cadence extrême qu'Aliya maintenait et le nombre incroyable de virages serrés qu'ils prirent, Aksel tint le rythme sans trop de problèmes : plus d'une fois, Syane, son maître, l'avait entraîné à ce genre d'exercice.

Ce ne fut qu'après un temps incalculable que la jeune fille ralentit enfin, avant de s'écrouler à genoux au beau milieu de la ruelle. Si elle baissait aussi soudainement ses défenses, c'est qu'il n'y avait plus de danger imminent à craindre : leurs poursuivants avaient été semés.

Tandis qu'il reprenait son souffle, Aksel parcourut du regard la ruelle sombre dans laquelle la brunette l'avait mené. Cela ne lui disait rien. Et pourtant, il connaissait tout de même pas mal de recoins d'Al-Jeit. L'endroit était sombre, insalubre, désert, et il y régnait une atmosphère de misère caractéristique aux quartiers les plus pauvres. Pas une seule fois Aliya n'avait hésité sur la direction à prendre lors de leur course-poursuite. Était-ce ici qu'elle vivait ? Des sanglotements à proximité l'alertèrent soudain. Aliya s'était mise à pleurer doucement, visiblement bouleversée. //

- J'ai tué quelqu'un. Je ne voulais pas .. j'ai .. c'était un réflexe, c'est allé tellement vite. Il me menaçait et ... tu l'as vu comme moi, j'ai tué quelqu'un. Qu'est-ce-que je vais faire ? Tu vas me dénoncer ? Pourquoi j'ai choisi de te faire confiance ?! Tu as dit qu'ils ne mentaient peut-être pas, tu es avec eux c'est ça ? Tu les connais ces hommes là ? Et tu vas me tuer, maintenant que j'ai tué l'un d'eux. Hein ?!

// Aksel ne sut quoi dire. Tout au long de sa tirade, les paroles d'Aliya avaient gagné en frénésie, en colère, en puissance aussi, et avaient pris l'allure de véritables accusations. En dépit de tout, le garçon était perdu. Que trouvait-elle à lui reprocher ? Il n'avait jusqu'à présent montré aucun signe de trahison, l'avait défendu coûte que coûte, même contre des prétendues membres de sa Guilde ; et malgré cela, elle ne lui faisait toujours pas confiance. Que fallait-il de plus ?

Plus il réfléchissait, et plus il parvenait à la conclusion que sans réponses, jamais Aliya ne lui accorderait sa totale confiance. Néanmoins, cette phrase, "pourquoi j'ai choisi de te faire confiance", lui avait un peu réchauffé le cœur. Alors il prit sa décision : il lui révélerait tout. Si cela pouvait l'aider à la protéger... Car c'était sa première mission, enfin, celle qu'il s'était auto-assignée : repousser toute attaque contre la petite-fille du défunt Maître Marchombre. Toutefois, sa vigilance ne baissait pas, et il guettait toujours avec appréhension chaque entrée de la ruelle. Si les hommes qui se présentaient comme des Marchombres refaisaient leur apparition, il avait son arc, il avait ses flèches. Cette fois il n'hésiterait pas à tirer. Et il manquait rarement ses cibles.

Aksel dirigea de nouveau ses yeux noirs, le teint grave, vers le visage d'Aliya ravagé par les larmes. //

- Il n'est peut-être pas mort, ces hommes là sont résistants, tenta-t-il de la réconforter, bien qu'il ne soit pas convaincu par cet hypothèse en son for-intérieur. Et je ne vais ni te dénoncer, ni te tuer, tu peux cesser de me considérer comme un ennemi tu sais. Je ne connais pas ce hommes, mais de ce que je sais, il y a un fond de vérité dans ce qu'ils t'ont raconté.

// Aksel jeta plusieurs regards furtifs autour de lui. Cette ruelle le mettait mal à l'aise. Si Aliya la considérait apparemment comme sûre, ce n'était pas son cas. Qui sait ce qui pourrait surgir des fenêtres aux carreaux brisés au-dessus d'eux ? Ou même des bouches d'égouts. Et ces odeurs nauséabondes... Un instant, Aksel fut replongé dans sa vie avant qu'il s'engage sur la Voie. Décidément, cette vie ne lui manquait pas, il était ravi d'avoir pu s'en extirper. Tout le monde n'avait pas cette chance. //

- Il y a un certain nombre de choses que tu dois savoir, annonça-t-il à la jeune fille, en adoptant une expression compatissante. Tu auras du mal à me croire. Je suis prêt à te révéler tout ce que je sais... Si tu veux je connais un bar pas loin d'ici où l'on pourrait s'installer et parler tranquillement. Ou on peut rester ici. Mais je préférerais là-bas... En plus, on pourrait récupérer autour d'une boisson chaude, je te la paye si tu veux.

// En vérité, le "on" s'appliquait surtout à Aliya, tremblante comme elle était ; quant à lui, il se sentait en fait en pleine forme. Et ce bar qu'il connaissait, c'était l'auberge/taverne près de la porte d'Améthyste dans laquelle il avait travaillé en tant que balayeur plus d'un an auparavant, poste qu'il avait brutalement abandonné en suivant Syane à Al-Far. Mais il avait été tellement insignifiant qu'avec un peu de chance, le barman aurait oublié son visage. Si peu de gens se souvenaient de vous dans les grandes villes. Au moins, il était sûr que "Les Joyeuses Rillettes" n'était pas un établissement abritant en permanence des conflits entre escadrons de Thüls et de Frontaliers, bataillant joyeusement sur un air de flamenco, comme c'était le cas dans beaucoup de tavernes. //

Elerinna Calaelen · **Ancien(ne)**

// Aliya ne parvenait pas à se calmer, ses sanglots remontaient dans sa gorge et lui coupaient la respiration. Elle peinait à se relever et se sentait si faible, si démunie. A genoux devant le jeune homme, elle avait le sentiment d'abandonner. Jamais au grand jamais elle ne se serait montré sous un jour tel devant quelqu'un. Jamais elle n'aurait du être aussi vulnérable, attaquable. Ses forces évanescentes lui permirent au prix de beaucoup d'efforts d'enfin tenir sur ses deux pieds. Le regard plongé dans les yeux d'Aksel, elle voulait lui signifier sa présence, elle voulait se montrer encore sur le qui-vive, prête à réagir, prête à tuer à nouveau s'il le fallait.

Voilà. Les mots étaient prononcés. Tuer. Elle avait tué, et se pensait capable de le refaire si nécessaire. L'était-elle vraiment ? C'était une tout autre question. Elle faisait peine à voir. Si convaincue de pouvoir lutter encore, quand elle n'était plus qu'une frêle petite chose tout de larmes et de poussières. //

- Il n'est peut-être pas mort, ces hommes là sont résistants. Et je ne vais ni te dénoncer, ni te tuer, tu peux cesser de me considérer comme un ennemi tu sais. Je ne connais pas ces hommes, mais de ce que je sais, il y a un fond de vérité dans ce qu'ils t'ont raconté.

// A ces mots, elle lâcha prise. Retombant à genoux, elle abandonna pour de bon. Elle réalisa que depuis longtemps ce n'était pas seulement contre ces hommes, ses poursuivants qu'elle luttait, mais aussi contre le monde entier. Et personne ne peut mener deux combats tels que ceux là à la fois. Elle bloquait toutes les issues de son coeur comme si elle parait des coups. Elle piquait, s'exaspérait, attaquait comme pour ne pas être celle attaquée. Elle fuyait, mais plus encore que des assaillants elle fuyait des alliés. Elle s'était refusé à croire Aksel, à lui faire confiance. Elle l'avait dénigré, malmené quand il ne méritait pas un tel traitement. Alors cette fois c'en était fait : elle abandonnait et choisissait de le croire, de le suivre et de lui accorder ce qu'elle s'était longtemps refusé de donner à quiconque, sa confiance. //

- Il y a un certain nombre de choses que tu dois savoir. Tu auras du mal à me croire. Je suis prêt à te révéler tout ce que je sais... Si tu veux je connais un bar pas loin d'ici où l'on pourrait s'installer et parler tranquillement. Ou on peut rester ici. Mais je préférerais là-bas... En plus, on pourrait récupérer autour d'une boisson chaude, je te la paye si tu veux.

// Son regard avait changé du tout au tout. Toujours humide, la flamme dans ses yeux s'était atténuée, pour laisser place à une reconnaissance infinie. Elle se releva, sans retomber cette fois, et hocha la tête sans dire un mot. Alors qu'il commençait à s'avancer pour sortir de la ruelle, elle le suivit de près. Il l'emmena quelques mètres plus loin, où déjà le quartier se faisait plus accueillant. La taverne dont il avait parlé sentait la cannelle et le feu de bois. Ils entrèrent et s'assirent au fond, de l'autre côté du bar, dans le recoin le plus sombre et le plus isolé possible. Toujours sans une parole échangée ils s'observèrent un instant, et ce fut bientôt Aliya qui brisa le silence. //

- Je t'écoute, dit-elle simplement.

Thalia Gilsayan · **Joueuse**

// Aliya ne protesta pas. Au contraire, ce fut de la gratitude qui emplit ses yeux à l'annonce de la proposition du jeune homme. Au final, c'était le mieux pour tout le monde. Suivie de la jeune danseuse, Aksel remonta la ruelle, puis emprunta deux intersections avant d'arriver sur le grande rue. Les Joyeuses Rillettes se trouvaient toujours là. Le demi-faël ouvrit la porte qu'il avait déjà franchi tant de fois et ils s'engouffrèrent dans la taverne. Il faisait chaud et l'odeur était agréable. Ce parfum de feu de bois si familier eut sur lui l'effet d'un retour dans le temps. Il se revit balayeur dans l'auberge, nettoyant chaque recoin en quête d'un salaire modeste mais essentiel. Instinctivement, il baissa les yeux, le regard fuyant. Il n'avait pas spécialement envie de se retrouver face à face avec son ancien patron. Rapidement, les adolescents prirent place à une table placée en recul dans l'obscurité, où ils pourraient converser en toute tranquillité. Heureusement, aucun client de l'auberge ne semblait s'intéresser à eux, ni même les avoir remarqué. Le silence s'installa pendant quelques secondes, rapidement brisé. //

- Je t'écoute, fit Aliya.

// Ça ce n'était pas un problème, elle aurait le loisir d'écouter autant qu'elle le voudrait, car il y avait des choses à dire. Le jeune homme repassa mentalement les événements dans sa tête et se lança. //

- Alors, comme tu le sais je suis apprenti marchombre, depuis un peu moins de deux mois. Cela ne suffit évidemment pas pour être au courant de tout ce qui se passe au sein de la guilde, mais récemment nous avons tous été convoqués par le haut conseil pour une affaire de la plus haute importance.

// Aksel vérifia de nouveau qu'ils n'étaient pas écoutés. Certes, l'affaire s'était ébruitée, mais ce n'était pas une raison pour mettre tout le monde au courant ou par la même occasion devenir centre d'attention. On ne se montrait jamais trop prudent. Mais il n'y avait rien à craindre pour le moment, le serveur était occupé à l'autre bout de la pièce avec deux clients pas très commodes. //

- Un des membres du conseil est mort, continua-t-il en baissant la voix, répétant mot pour mot ce qu'on lui avait dit. Assassiné par on ne sait qui. On parle d'un complot monté par un ordre obscur ayant revu le jour, mais ce ne sont que des rumeurs. Toujours est-il qu'on nous a demandé de mener l'enquête sur le meurtre.

// A présent que la petite histoire était terminée, on abordait le vif du sujet ; la partie qui concernait et intéressait donc probablement le plus son interlocutrice. //

- Mais ce n'est pas tout. Ce maître marchombre possédait dans sa bibliothèque un carnet recensant tout son arbre généalogique. Certains membres sont morts, d'autres encore en vie... Ce qui inquiète le conseil, c'est que ce carnet a été retrouvé près du corps, et des points rouges ont été inscrits à côté des noms des membres vivants. Et le tien en fait partie...

// Aksel s'arrêta là, prêt à répondre aux questions de la jeune fille, mais attendant surtout sa réaction qui ne devrait pas tarder à venir. //

Elerinna Calaelen · **Ancien(ne)**

// Aliya avait gardé tout le long du discours d'Aksel un air de recul. Son visage, éclairé à la seul lueur du feu dans la cheminée de la sombre taverne, avait des allures fantomatiques. Elle semblait ne pas avoir dormi depuis des jours. En réalité, les seuls événements de la journée avaient suffit à l'épuiser aussi bien physiquement que mentalement. Elle n'avait jamais vécu dans l'opulence et avait appris à se satisfaire d'un rien. Mais pour la première fois, elle rêvait d'un grand lit, de jolis draps brodés, d'un banquet et de petites assiettes en argent. Bref, elle rêvait de vie, et pas seulement de survie. Inconsciemment, elle espérait que ce que le jeune marchombre avait à lui annoncer serait une bonne nouvelle. Comme si les bonnes nouvelles existaient encore dans ce monde... Comme si des brutes avaient voulu l'arrêter pour une bonne nouvelle... Et comme si n'importe quelle bonne nouvelle aurait pu la sortir de sa misère.

A la fin de la dernière phrase d'Aksel, elle ne réalisa pas encore. Elle avait écouté. Attentivement même. Mais elle n'avait pas encore assimilé le sens des mots. Quand ce fut le cas, elle ne parut même pas surprise, elle n'écarquilla pas de grands yeux étonnés. Pour la simple et bonne raison qu'elle ne parvenait pas à y croire. //

- Désolée Aksel mais ... si c'était vrai, pourquoi mon grand-père, haut membre du conseil, qui connaissait mon existence, m'aurait laissée vivre dans la rue ?

// Elle pensait à son frère et sa sœur. Bien entendu que ce grand-père n'avait jamais existé, car si elle avait une famille, elle n'en serait pas là. Quel homme aurait décemment pu les regarder voler, courir, apprendre dès trois ans à fuir le danger ? Et pourtant ...
Aksel n'avait aucune raison de lui mentir. S'il avait voulu la mener en bateau, il ne se serait pas donné tant de mal. Il l'avait sauvée, à deux reprises. Il l'avait aidée quand elle en avait besoin, l'avait accueillie sous son toit. Elle l'avait fièrement repoussé, lui avait signifié qu'elle n'avait pas besoin de lui. Et malgré tout, il est revenu. Elle n'aimait pas l'admettre mais elle lui devait beaucoup. Et ce n'est pas maintenant qu'elle avait enfin décidé de lui faire confiance qu'il allait se mettre à lui mentir.

Alors finalement, elle réalisa. C'était peut-être vrai. Sa réaction à retardement se fit sentir : elle ouvrit grand les yeux, qui trahissaient une réflexion intense de son esprit. Les questions allaient à mille à l'heure. Pourquoi ce grand-père ne lui avait jamais fait signe ? Était-il aussi le grand-père d'Olörin et Maniëla ? Pourquoi a-t-il était assassiné ? Connaissait-il des informations secrètes ? Devait-elle, elle aussi, devenir marchombre pour enquêter sur sa mort ? //

- C'est juste que c'est ... tu l'avais déjà vu, toi ? Il était comment ? Quel est cet ordre obscur ?

Thalia Gilsayan · **Joueuse**

// Aliya écouta ses explications avec scepticisme, visiblement pas du tout convaincue. Evidemment, ce n'était pas facile à croire, un grand-père surgi de nulle part, des assassins à ses trousses... Il se passait certes des choses étranges dans la capitale, mais cela devait lui paraître aussi peu vraisemblable qu'une histoire fantasmagorique qu'il aurait inventé à la hâte. Aksel ne s'attendait pas à ce qu'elle le croit directement. //

- Désolée Aksel mais ... si c'était vrai, pourquoi mon grand-père, haut membre du conseil, qui connaissait mon existence, m'aurait laissée vivre dans la rue ? l'interroga-t-elle.

// Aksel s'était déjà posé la question, qui ne s'appliquait d'ailleurs pas seulement à Aliya, mais aussi à tous les autres membres de sa famille. Pourquoi ne les avait-il jamais contactés ? Pourquoi était-il resté si secret à l'égard de ses héritiers ? Il n'y avait qu'une explication qui tienne la route. //

- Pour te protéger, répondit l'apprenti sans hésitation. J'imagine.

// Mais il pressentait qu'il aurait encore beaucoup d'explications à fournir. Aliya l'écoutait d'une oreille, tandis que tout son esprit semblait ailleurs, plongé dans des réflexions profondes, qu'il ne voulait pas couper. Le seul moyen pour que la jeune fille lui fasse confiance, c'était de lui laisser le temps. //

- C'est juste que c'est ... tu l'avais déjà vu, toi ? Il était comment ? Quel est cet ordre obscur ?

// A vrai dire, il n'avait rencontré aucun marchombre autre que Syane avant sa convocation à la réunion du Conseil, environ un mois auparavant ; et le fameux grand-père était déjà mort, à cette date. Puis il avait rencontré Valyriane au marché. C'était à peu près tout. Au risque de décevoir Aliya, il n'était pas en mesure de lui fournir plus de renseignements sur son aïeul à l'instant. //

- Désolé, je n'ai pas connu ton grand-père... Mais je peux t'assurer que c'était un Marchombre remarquable, ce n'est pas n'importe qui qui siège au Haut Conseil.

// Le jeune homme se sentit stupide d'avoir dit ça. L'orpheline devait se douter qu'une personne siégant à un conseil, quel qu'il soit, n'était pas le premier imbécile venu. Non désireux de continuer à sortir des remarques inutiles, Aksel enchaîna rapidement sur la réponse à la deuxième question. //

- Quant à l'ordre, il s'agit des Mercenaires du Chaos. Si tu n'en as pas entendu parler, c'est une secte œuvrant pour la destruction de l'univers. Tout le monde pensait qu'ils avaient été anéanti jusqu'au dernier, après la bataille de la Forêt d'Ombreuse... Si les soupçons se confirment, on risque tous d'avoir de sacrés ennuis.

// Cette guerre à Ombreuse était quasiment légendaire. Selon les rumeurs, à l'époque, ils œuvraient à l'accomplissement d'un prophétie à présent terminée ; alors si l'ordre avait réellement revu le jour, quel était leur but maintenant ? Quel plan préparaient-ils dans l'ombre ? Syane ne lui avait pas révélé sur les Mercenaires plus que ce qu'il ne savait déjà, si ce n'est qu'ils avaient été les pires ennemis des Marchombres. Un peu comme leurs contraires, tout aussi redoutables, mais serviteurs du Mal. Si c'était le cas, alors il n'était pas prêt à en affronter un. Pas encore.

Aksel réalisa qu'il avait amené Aliya en lui proposant de lui offrir une boisson chaude, il était temps d'honorer sa promesse. Un petit remontant ne leur ferait pas de mal. Le jeune homme se leva silencieusement de sa chaise. //

- Je vais aller commander à boire, tu as soif ? Qu'est-ce que tu veux ?

Elerinna Calaelen · **Ancien(ne)**

- Quant à l'ordre, il s'agit des Mercenaires du Chaos. Si tu n'en as pas entendu parler, c'est une secte œuvrant pour la destruction de l'univers. Tout le monde pensait qu'ils avaient été anéanti jusqu'au dernier, après la bataille de la Forêt d'Ombreuse... Si les soupçons se confirment, on risque tous d'avoir de sacrés ennuis.

// Aliya ne savait pas vraiment ce qu'était une "secte" et tout ce que lui racontait Aksel avait plutôt vocation à la faire trembler comme une feuille qu'à lui expliquer son passé. Si un ordre œuvrant pour la destruction de l'univers étaient à ses trousses et avait tué son grand-père, ni la fuite ni le jeune homme ne pourrait la sauver. Sans même avoir entendu parler des Mercenaires du Chaos jusqu'à maintenant, elle frissonnait désormais rien que d'entendre leur nom. Toute cette histoire, il valait mieux ne pas y croire. Vivre comme avant, oublier cette rencontre avec Aksel, oublier jusqu'à l'existence même des Marchombres et reprendre le cours normal de sa vie. Mais était-ce seulement possible ? Pouvait-elle occulter toute cette discussion, tout ce qu'elle venait d'apprendre, rentrer auprès de son frère et de sa sœur et ne rien leur dire, ne rien faire ? //

- Si mon ... "grand-père" était un marchombre si remarquable et n'a tout de même pas pu les arrêter, personne ne le pourra. Toute cette histoire .. tout va changer maintenant. J'ai peur de sortir dans la rue, j'ai peur des marchombres qui voudront venger celui que j'ai ... assommé, peur de la secte dont tu parles, peur de mon passé sur lequel on m'a menti du début jusqu'à la fin.

// Elle lâchait tout. Aksel avait été avec elle dans toutes ces péripéties, et si elle devait extérioriser et finir par confier sa peur à quelqu'un, ça ne pouvait être qu'à lui. Lui seul pouvait comprendre. //

- Je vais aller commander à boire, tu as soif ? Qu'est-ce que tu veux ?

- La même chose que toi.

// Que ce soit une boisson chaude pour faire passer les frissons, un alcool fort pour lui faire tout oublier, ou même du poison. Peu lui importait. Plus grand chose ne comptait maintenant.

Alors qu'il partait vers le tavernier pour commander, Aliya se retrouva seule face à la flamme de la bougie posée sur la table. En si peu de temps il lui semblait que sa vie avait changé du tout au tout. Elle espérait encore se réveiller sur sa paillasse, découvrir que tout n'avait été qu'un affreux cauchemar, et le raconter à Ölorin. Ça le ferait rire, très certainement. Elle se surpris à se pincer la main, juste pour voir. Mais rien ne se passa. La cire fondait toujours sur le bois de la table, l'odeur environnante était toujours aussi forte, et ses mains toujours aussi frêles et tremblantes. Tout était bel et bien réel. //

- Merci, dit-elle à Aksel sans même regarder le contenu de son verre, alors qu'il revenait vers elle. Tu sais ... Je te crois maintenant. Mais j'aurais préféré ne jamais rien savoir.

Thalia Gilsayan · **Joueuse**

- Si mon ... "grand-père" était un marchombre si remarquable et n'a tout de même pas pu les arrêter, personne ne le pourra. Toute cette histoire .. tout va changer maintenant. J'ai peur de sortir dans la rue, j'ai peur des marchombres qui voudront venger celui que j'ai ... assommé, peur de la secte dont tu parles, peur de mon passé sur lequel on m'a menti du début jusqu'à la fin.

// Il y avait un fond de vérité dans les paroles d'Aliya. La raison de la mort de son grand-père restait mystérieuse, mais seul un assassin d'élite avait pu mettre fin à ses jours si facilement. Un homme des plus grandes âmes vaincu par un ordre renaissant. C'était l'ouverture du combat. Tant de points restaient à éclaircir sur le meurtre. Des détails pourtant essentiels. Il n'y avait pas fallu fureter longtemps pour découvrir le carnet, soit-disant "secret", du Maître Marchombre. Les Mercenaires l'avaient trouvé eux aussi. Et l'avaient laissé ouvert, à portée de main. Avaient même inscrit des points rouges près de certains noms.

Leur volonté était évidente. Afficher leurs projets clairement, et ainsi donner une piste à ceux qui souhaiteraient les rejoindre. La liste de personnes à tuer était à présent connue de tous. Qui voulait devenir Mercenaire savait quoi faire. Les traîtres à la guilde ne tarderaient pas à changer de camp, en commettant le meurtre pour prouver leur allégeance. Le processus était d'ores et déjà en route. Semer le chaos. Monter leurs ennemis les uns contre les autres, et ainsi cultiver le chaos. Jusqu'à ce que le chaos domine sur toute autre chose et que leur règne soit absolu. Telle était leur but ultime. La volonté des Mercenaires du Chaos. //

Tu n'es pas coupable, affirma Aksel sans hésitation dans la voix. Si un Marchombre cherche à se venger, alors soit sûre qu'il n'en est pas un. Qu'il n'en est plus un.

// Le jeune homme se leva pour aller chercher les boissons. Il commanda deux verres de Lait de Siffleur chaud. Il n'y avait rien de mieux comme remontant. A part peut-être le Kla, mais c'était bien au-dessus de ses moyens.

La situation semblait bouchée. Il pouvait surveiller les arrières d'Aliya, et il le ferait, mais pour combien de temps ? Tout seul, jamais il ne sortirait vainqueur d'un affrontement contre plusieurs Mercenaires se liguant contre lui. Même contre un seul, il n'était pas sûr d'être à la hauteur. Il avait besoin d'aide, c'était sûr... mais où aller la chercher ? Les Marchombres, c'était à exclure. Quand bien même il débarquerait dans le Repaire de la Guilde en annonçant qu'il avait trouvé la petite fille du défunt, l'information tomberait à coup sûr dans de mauvaises oreilles, et ce serait fichu. Il n'avait confiance qu'en Syane ; les autres, il ne les connaissait pas. Cependant, celle-ci n'avait pas confirmé sa date de retour. Le jeune homme brûlait de lui envoyer une missive pour lui demander conseil, mais là encore, c'était une des choses les plus stupides à faire : des espions auraient vite fait d'intercepter son message.

Le barman apporta deux gobelets brûlants sur le comptoir. Le demi-faël paya 8 Branches, en tendant une petite pièce triangulaire de bronze percée d'un trou en étoile ; puis il s'empara des gobelets - la corne durement acquise de ses mains le protégeait de la chaleur - et retourna à leur table.

Lorsque l'apprenti marchombre revint à sa place, Aliya le remercia, puis le regarda droit dans les yeux avec sérieux. //

- Tu sais ... Je te crois maintenant. Mais j'aurais préféré ne jamais rien savoir.

// Stupéfait, Aksel s'assit en silence, puis but une longue gorgée de lait de Siffleur sans se soucier de la traînée ardente causée par le liquide bouillant dans sa trachée. D'abord, qu'Aliya admette ses propos après toute la méfiance dont elle avait fait preuve, c'était une avancée plutôt conséquente. Puis cette phrase, mortifiante, impitoyable. Et ce moment où le petit caillou qui retenait l'énorme rocher glisse, occasionnant la chute brutale sur vos épaules de tout le poids de la responsabilité de vos actes. Après tout, c'était lui qui lui avait avoué toute la vérité. Et la vérité n'est que peu souvent agréable à entendre.

Mais ce n'était pas sa faute. S'il ne l'avait pas fait, un autre s'en serait chargé, plus ou moins digne de confiance que lui. Ou bien personne, et la jeune fille aurait été tuée par ces vils gredins sans n'avoir jamais rien appris à propos de son grand-père. L'avoir prévenue du danger avait été la meilleure chose à faire. Le prix de la connaissance, c'était la vie. //

- Je te protégerai, lui promit-il, sachant pertinemment qu'il serait incapable d'assurer son rôle sur un long terme sans aide extérieure. Au prix de ma vie si les circonstances l'imposent.

// C'était un engagement lourd et inconditionnel, définitif ; et le garçon pesait chacun de ses mots. S'il fallait combattre, il avait profondément besoin d'une cause à défendre pour que l'affrontement prenne son sens. Son père était mort, sa mère aussi, bien que ce soit difficile à admettre ; et cela lui fendait le cœur d'y penser, mais sa grand-mère Niham ne tarderait pas à les rejoindre. Syane était absente depuis un certain temps. A se demander quand est-ce qu'elle comptait revenir. Sans but, il ne donnerait jamais le meilleur de lui-même, et clairement, protéger la vie d'une innocente, c'était une cause plus que valable. //

- Mais je préfère tout de même éviter d'en arriver là, ajouta-t-il en souriant, sur un ton plus léger.

// Puis son sourire s'atténua, et ses yeux noirs redevinrent graves. //

Je suis désolé. Pour tout ça. Mais si je ne t'avais pas mise au courant, ils t'auraient retrouvée.

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