Il y a un an aujourd'hui, je me réveillais, encore plus fatigué que je m'étais couché, le bras engourdi. Je réalisai bien vite que ce n'était pas parce que j'avais dormi dans une position bizarre, et que ce n'était pas que le bras qui était concerné. Je découvrais avec un mélange d'effroi et de curiosité que tout ça n'était pas normal et coupait extrêmement précisément mon corps en deux. Tous les signes étaient évidents, mais je ne voulais pas vraiment y croire, et je gardais ça pour moi. De toute façon, ça n'arrive pas à mon âge, hein ?
Contrairement à ce que font la plupart des gens, à regarder sur internet la liste des symptômes pour en déduire le pire truc possible, moi j'essayais de chercher ce que ça pouvait être d'autre. Un truc moins grave, plus passager, après tout c'était sûrement rien.
Je vous raconte pas comment je me suis fait engueuler quand j'ai enfin osé dire que "bon euh, c'est certainement juste pas grand chose, mais je crois qu'il serait peut-être préférable d'aller faire un petit tour chez le médecin". Parce qu'évidemment, c'est aux urgences que ça s'est terminé. Et que oui, on peut faire un AVC quand on n'a pas encore fêté ses vingt piges.
Et voilà, ça fait un an.
Avec le recul, je me dis qu'il y avait des signes. Plein de signes. Une semaine avant ça, je me droguais au café trois à cinq fois par jour pour réussir à tenir debout au moins jusqu'à l'heure de rentrer à la maison. Deux semaines avant ça, j'avançais mon réveil d'une demi-heure, parce que je n'arrivais pas à me lever le matin. Dans le mois avant ça, je me forçais à me coucher à vingt-deux heure trente, parce que je voulais déjà dormir à vingt heure, mais j'avais peur de me réveiller à cinq heure du matin et de pas réussir à m'endormir, et donc d'être encore plus fatigué. Dans les mois avant ça, je ne faisais plus les courses. Trop fatigant. Le weekend, je ne faisais rien d'autre que me reposer. J'en pouvais plus, et je ne savais pas pourquoi. Dans l'année avant ça, j'ai pris du poids. Ce qui n'était pas un mal en soi dans mon cas, mais bon. Et je culpabilisais parce que je croyais que c'était parce que je foutais plus rien. Et si on remonte encore plus loin, même si j'ai toujours été du genre à préférer les soirées pépères à la maison, ça fait au moins deux ou trois ans avant ça que je limitais les sorties, que j'évitais de me coucher trop tard ou de trop boire, parce que sinon j'allais enchaîner les migraines. Fatigue = migraine et migraine = fatigue. Foutu cercle vicieux. Mais bon, faut être honnête, si j'avais été chez le médecin avec ce genre de symptômes, aucune chance qu'il aurait vu en ça les signes d'un AVC sous-jacent. En fait, mes proches m'ont dit après coup qu'ils pensaient que je faisais une rechute de dépression.
Et voilà. Si je devais mettre une chanson sur cette année qui vient de s'écouler, je pense que ce serait
Believer, de Imagine Dragons. Quelques jours après mon hospitalisation, je me sentais déjà mieux. J'étais sous médocs et en arrêt maladie, mais j'allais me promener, je faisais les courses, je réalisais seulement tout ce que je venais de traverser. L'AVC n'était pas une fin, mais un début.
Ils ont trouvé le scénario probable du pourquoi du comment, et les causes sont aujourd'hui traitées. Je peux à nouveau me coucher tard, monter une côte sans être essoufflé (bordel, je savais même plus que c'était possible!!), et même boire plus que ce que les médicaments me le permettent... mais je n'ai presque plus de migraines et j'ai vingt ans, je vis !!
Bon, tout n'est pas encore terminé, j'ai bientôt des échographies de contrôle, des médocs probablement à vie et mes sensations ne sont pas revenues. J'ai des problèmes d'équilibre, j'ai le vertige et j'ai l'air un peu con avec à gauche deux chaussettes et une mitaine (qui s'avère être des vieux gants découpés au bout parce qu'écrire avec des gants c'est pas super cool). Je fais peur quand un plat est un peu chaud et que je m'en rends pas compte à main nue, je donne froid à mon homme la nuit quand il est de mon "mauvais" côté, et je galère à me réchauffer la main et le pied, surtout quand ça remonte dans le bras et la jambe, maintenant que les températures automnales sont de retour... mais par la barbe de Merlin, qu'est-ce que je me sens bien !!!
Voilà. J'ai vingt ans et il y a un an aujourd'hui, j'ai fait un AVC. Je n'ai pas à me plaindre des séquelles qui restent plus bizarres que gênantes, surtout que je me sens beaucoup, beaucoup, beaucoup mieux qu'avant. Même si pour ça il faut que je fasse comme les petits vieux et installer des applis qui me rappellent que c'est l'heure du petit cacheton. Désolé pour le pavé, mais je crois que j'avais besoin de marquer le coup, parce qu'au final, ça me travaille sans doute beaucoup plus que ce que je ne veux bien admettre.
Aller, joyeux anniversaire, petit caillot dans ma tête ! Je ne t'en veux pas trop, ne t'inquiète pas.
Tout plein de courage ! 
c'est super de te voir positif ! 
