Je tends la main vers la bouteille la plus proche, posée sur la table basse en face de moi. Enfin, l'une des bouteilles. J'arrive même plus à voir ce qu'il reste dedans. Par terre, une bouteille de whisky côtoie une autre de gin, toutes les deux vides. J'ai une bonne descente ce soir. Ma main entre en contact avec la bouteille de vodka en face de moi, mais mon corps met un peu de temps à réagir. Je dois être bourré, je pense. Bon, vu ce que j'ai bu depuis le début de la soirée, c'est pas une surprise non plus. Je soulève la bouteille. Il reste juste un fond de vodka que j'avale d'une traite avant de laisser tomber la bouteille par terre. Je jette un coup d’œil autour de moi ... Plus de bouteilles en vue. Super. Doit bien en rester au frigo, je pense. Je me lève et fais deux pas vers le frigo avant de m'effondrer sur le sol.
« Aie ! Bordel de ... »
Je me retiens de finir ma phrase, un vieux réflexe que je tiens de mes parents. Je reste allongé sur le sol, la tête contre le tapis. Quand je pense qu'il y a trois jours, tout allait ... mieux, on va dire. Bien mieux qu'être allongé comme une loque sur mon tapis, incapable de me relever et, apparemment, en train de pleurer. Ça doit être l'alcool parce que j'ai pas l'impression d'être en train de pleurer … Sérieusement, je donnerais tout pour revenir trois jours en arrière !
*Trois jours plus tôt. Vendredi.*
Bip, bip, bip.
« Oh, la ferme ! »
Le réveil sonne depuis quelques instants à peine et ma main s'est déjà effondrée dessus pour l'éteindre. Je reste quelques instants dans cette position, mon visage contre l'oreiller, la main sur le réveil qui affiche 7:30. Je lâche un grognement en sentant les premiers rayons de soleil derrière mes yeux clôs et je tente de me cacher sous ma couverture pour m'isoler. C'était sans compter sur mon réveil qui décide de lancer la radio, et plus précisément Don't Stop Believin' de Journey. Je repousse les couvertures mais sans commencer à me lever. Chaque chose en son temps. La musique atteint un solo de guitare, de quoi me mettre de bonne humeur et je me décide enfin à me tirer du lit. En me traînant vers mon salon pour prendre mon petit déjeuner, je jette un coup d’œil au miroir suspendu dans ma chambre. Et forcément, je suis ni rasé, ni coiffé et je donne mon premier cours dans moins d'une heure et demi. Je pourrais tenter d'y aller avec une petite barbe de trois jours, tiens, Ça me donne un look vraiment classe ! Par contre, pour les cheveux … Va falloir faire quelque chose. Bon, on verra ça plus tard. Petit déjeuner d'abord, le look après. Il faut avoir des priorités dans la vie ! Bon, quand je dis petit déjeuner, ça consiste en général à un café bien fort pour me réveiller. Mais y'a rien de mieux le matin pour être en forme !
Petit déjeuner avalé, parfait. Et le réveil affiche … 8:03. Bon, je suis mal. Il me faut au moins une demi-heure pour me rendre au lycée et je suis loin d’être prêt. Je vais encore courir ce matin moi. Va peut-être falloir que je me dépêche un peu plus, je suis en retard tous les matins depuis le début de la semaine … Depuis la rentrée scolaire en fait, deux mois plus tôt. Pas facile de se convaincre d'aller au travail quand on a perdu toute volonté. L'année dernière, tout allait bien. Je m'entendais bien avec les collègues, avec les étudiants. Et tout d'un coup, plus rien. J'ai perdu l'envie d'enseigner. Je n'ai rien dit à personne, bien sûr mais ... J'ai de plus en plus de mal à me rendre dans ma salle de classe tous les matins en souriant et en faisant comme si de rien n'était. Nouveau coup d’œil vers le réveil qui me révèle qu'il est désormais 8:10. Bon, aujourd'hui, je tente le look pas rasé alors !
J'arrive au lycée cinq minutes avant le début de mon premier cours de la journée et j'arrive devant la salle pile à l'heure. Toujours ça de pris hein ! Les élèves s'installent, comme toujours, dans un vacarme assourdissant et j'ai beau demander le silence, rien n'y fait. C'est étrange. Il y a trois ans, ça ne me dérangeait pas. J'arrivais à calmer la classe et à faire un cours sur la Guerre Froide sans aucun problème. Aujourd'hui … Plus rien. Je n'ai même plus envie de me battre pour eux. Au bout de six longues années de travail dans ce lycée, j'ai perdu l'envie. La sonnerie retentit et les élèves s'en vont sans que je fasse mine de les retenir. Les cours s’enchaînent les uns après les autres jusqu'à la pause tant attendue de midi, la seule raison pour laquelle je n'ai pas encore quitté mon travail. Non pas que la nourriture de la cafétéria soit excellente mais disons que la compagnie est d'excellente qualité.
« Hey, Finn ! Coucou ! Je suis là ! »
La voilà ! Celle qui illumine ma journée, sans même qu'elle le sache. Kate Berry. Comme toujours, elle est … superbe. Un peu plus petite que moi, des cheveux roux et un sourire à faire tomber n'importe qui ! Dont moi, d'ailleurs. Elle est assise seule à une table de la cafétéria et me fait un grand signe de la main. Je la rejoins a la table et lui fait un grand sourire. C'est la seule amie qu'il me reste aujourd'hui, la seule vraie amie. Le petit problème étant que j'aimerais qu'elle soit un peu plus que mon amie. Tout ce qu'il faudrait, c'est que je prenne mon courage à deux mains et que je l'invite au resto ou au ciné ! Je suis sûr qu'elle ne refuserait pas ! Et je sais qu'elle est célibataire pour le moment. Mais malheureusement, je suis très timide. Rien que le fait d'imaginer l'inviter a dîner, je commence a stresser !
« Ça va ? T'as pas l'air d'aller bien ? »
Oups. Je viens de passer deux bonnes minutes à la fixer avec un sourire béat. Et voilà que je me mets à rougir. Bien joué Finn, continue comme ça ! La fille de tes rêves est en face de toi et tu te contentes de la regarder comme un fou puis de baisser la tête pour cacher le fait que tu es rouge comme une pivoine. Tu vas faire chavirer son cœur comme ça, je t'assure.
« Non, t'inquiète pas, j'ai un peu mal dormi et j'étais en retard ce matin ...
- J'ai vu ça. T'as décidé de te donner un look un peu plus négligé, un peu plus ''bad-boy'' pour plaire aux filles ?
- Pas pour plaire aux filles, non. A toi, par contre …
- Hein ? »
Euh … J'ai pas dit ça à voix haute, si ? Vu la tête que fait Kate, j'ai bien l'impression que si. Oh mon dieu, qu'est-ce que j'ai fait ? Je suis fou, c'est sur. Bon, réfléchis, réfléchis, comment rattraper ça ? Comment … Hum … Pourquoi rattraper ? Profites-en Finn ! Prends ton courage à deux mains et invite-là à dîner ! Dépêche-toi, regarde-la droit dans les yeux, c'est ton moment de gloire !
« Dis-moi Kate, tu … tu fais quoi demain soir ? Je voulais savoir si … si ça t'intéressait de … »
Gorge sèche, j'arrive pas à finir ma phrase. Bon, dommage, j'aurais tenté hein. Elle va juste se contenter de rire un peu, te dire qu'elle t'aime bien comme ami et puis voilà. J'ai tenté, j'ai perdu. Dommage.
« Tu veux qu'on aille dîner ensemble ? Avec plaisir ! On dit demain soir, chez toi ? Vers 20h ? »
Hein ? Attends un peu, il … il se passe quoi là ? J'ai un rendez-vous avec Kate ? La Kate ? Celle que je rêve d'inviter a dîner depuis plus de quatre ans ? J'arrive pas à articuler le moindre mot, je reste là, bouché bée, à la regarder. Et elle me regarde elle aussi. Quels beaux yeux !
« Alors ? Ça te va ? »
Mon cerveau doit avoir repris les commandes puisque je me retrouve à hocher la tête. Tiens, son sourire aussi est superbe !
« Super alors ! Oh, je dois y aller ! A demain soir alors !
- A … demain ? Oui, à demain ! »
Je la regarde s'en aller sans réagir. Enfin, sans réagir physiquement. Dans ma tête, c'est un feu d'artifices, par contre ! J'ai réussi a l'inviter à dîner ! C'était pas volontaire mais j'ai réussi ! Après quatre longues années, j'ai réussi ! Un petit coup d’œil à ma montre … Treize heure pile. Il me reste une demi-heure à tuer et il y a un peu trop de monde dans la cafétéria à cette heure-là. Direction ma prochaine salle de classe alors. J'entre dans la salle et la referme a clé derrière moi. Un peu de calme et d'isolement ne me feront pas de mal après ce repas. Je me repasse la scène en boucle dans ma tête avec une phrase que Kate avait prononcé, il y a longtemps. « Si tu veux quelque chose, ça ne sert a rien d'attendre et d'espérer ! Il faut y aller, se jeter a l'eau ! Qu'as-tu à perdre après tout ? » Je me suis toujours dit que j'avais tout à perdre. Que je ne pouvais pas quitter mon travail parce que je ne savais pas si je pouvais réussir a trouver quelque chose derrière ! Que je ne pouvais pas l'inviter a dîner parce qu'il se pourrait bien que notre amitié en soit détruite ! Notre rendez-vous de demain soir remettait énormément de choses en question ! Rien ne me lie de force à cet endroit !
C'est incroyable comme les journées passent beaucoup plus vite lorsque l'on apprend une bonne nouvelle ou que l'on est de bonne humeur. Sans même que je m'en rende compte, il est déjà 16 heures, heure de fin des cours. Je rentre directement chez moi, n'ayant rien de prévu pour la journée et encore abasourdi. Qu'est-ce que je devrai faire, là, tout de suite ? J'ai jamais eu de rendez-vous galant avec une fille ! Et demain soir, celle que j'aime vient passer la soirée chez moi ! Les choses vont un peu trop vite ! J'ai besoin de m’asseoir, de me calmer, de souffler, et vite ! A peine arrivé chez moi, j'en profite pour m'allonger sur mon canapé et pour mettre les choses au clair.
Pour commencer, demain soir, Kate vient chez moi, sur les coups de 20 heures. Il faut donc que je prépare quelque chose à manger et un peu de déco pour l'occasion. J'habite pas dans un taudis, c'est même plutôt propre et rangé chez moi mais c'est pas un hôtel cinq étoiles non plus. Un peu de rangement ne fera pas de mal non plus. Quoi d'autre ? Pour la tenue, je sais déjà ce que je vais mettre et pour le look, je vais continuer sur l'effet mal rasé. Ça m'a porté chance une fois, on sait jamais ! Et c'est à peu près tout, je pense. Pour le repas de demain, j'ai ma petite idée sur ce que je vais lui préparer. Je me débrouille plutôt bien derrière les fourneaux.
*Le lendemain soir*
Je jette un nouveau regard vers l'horloge du salon. 20:05.
« Mais qu'est-ce qu'elle fait ? On avait dit 20 heures chez moi ! Bon, calme toi. Cinq minutes de retard, c'est rien ! Il y a peut-être du trafic, des bouchons. C'est New York, tout de même. La ville qui n'est jamais endormie, ou un truc du genre. Et arrête de parler tout seul ! »
Je lâche un soupir et je m'assois sur mon canapé. Je regarde mon téléphone, pour voir si j'ai reçu un message de la part de Kate. Rien. Le stress commence à arriver, je le sens. Et je ne supporte pas vraiment le stress. Je me lève du canapé et commence a faire les cent pas dans l'appartement. Je ne tiens plus en place. Kate n'est pas là et elle ne répond pas aux appels sur son portable ou son fixe !
20:30 : Toujours pas là. J'ai dû laisser environ cinq messages sur son répondeur et je ne lâche plus mon téléphone. J'attends qu'il se mette à vibrer ou à sonner. N'importe quoi tant que ça me permette de savoir ce que fait Kate. Elle n'est jamais en retard d'habitude. Quelque chose a dû la retenir ! Ça doit être ça !
21:23 : Une heure et demi de retard ! Elle ne viendra pas. Je me suis fait à l'idée. Elle m'a posé un lapin. Bon, c'est pas surprenant. Elle a sûrement accepté de venir hier pour ne pas me vexer. Et puis lundi, elle se trouvera une excuse, me fera un grand sourire et je lui pardonnerai. Je ne suis même pas énervé. Juste ... déçu. Je m'attendais à mieux de sa part. On est amis, elle et moi. Elle aurait pu me dire la vérité, me dire que ça ne l'intéressait pas ou autre chose. Mais pas me poser un lapin. Ça fait un quart d'heure que je suis allongé dans mon canapé. Je ne suis pas triste. Juste vide. J'ai envie de rien pour le moment. On verra plus tard.
*Lundi matin*
J'ai réussi à me lever de bonne heure, ce matin. Non pas que ce soit dû à une envie de changer ma vie ou un truc du genre. Mais je sais que Kate est toujours en avance au travail et j'ai décidé de la confronter le plus tôt possible. Le plus tôt sera le mieux et je pourrai me décharger de ce que j'ai sur le cœur. Si ça se trouve, ça se finira comme dans les films, je ferai une entrée majestueuse, lui déclamerai un petit speech que j'ai en tête depuis quelques temps et je sortirai, encore une fois, majestueusement. Et elle me courra après, se jettera dans mes bras et je lui pardonnerai en l'embrassant tendrement. Ça serait magique.
En arrivant au lycée, je perds toute envie de rire. Une voiture de police est garée sur le parking des professeurs. Je me gare à ma place habituelle et je déglutis en passant à coté. J'ai un mauvais pressentiment. Je me dirige lentement vers la salle des professeurs et j'aperçois plusieurs de mes collègues à l'intérieur, en train de parler entre eux à voix basse. L'un d'entre eux m'aperçoit et les discussions cessent. Un silence de mort s'abat dans la salle et un frisson me parcourt le dos. J'aime pas ça.
« Hey Artie ! Ça va ? Dis-moi, est-ce que tu as vu Kate ce matin ? Je la cherche, faut que je lui parle. »
Il ne me répond pas et je peux voir que son visage est blanc. Très blanc. Trop blanc à mon goût. On dirait un cadavre.
« Désolé, je ... je ne l'ai pas vu ... Mais je crois que Will veut te voir dans son bureau. Il nous a dit de te dire d'aller le voir dès que possible. »
Je le regarde dans les yeux et il fuit mon regard. Bon, ça sent pas bon, cette histoire. Une boule s'est formée dans mon ventre et je me dirige vers le bureau du proviseur. La porte de son bureau est fermée mais j'entends des voix à l'intérieur, deux hommes en train de discuter, apparemment. Je frappe à la porte et on m'invite à entrer. J'hésite, la main sur la poignée. J'ai peur. Peur de ce qu'il y a derrière la porte. Je prends mon courage à deux mains et j'entre. Will Jones, proviseur du lycée, est assis à son bureau, en compagnie d'un agent de police. Ils me regardent entrer et Will m'indique une chaise en face de son bureau. Je prends place juste à temps. La tension est telle que mes jambes ont manqué de m'abandonner au moment où je me suis assis. Will me regarde, les yeux rougis. Mon cœur se serre.
« Finn, je ... j'ai une mauvaise nouvelle à t'annoncer. Samedi soir, sur les coups de 20 heures, un accident de voiture a eu lieu. Une voiture a grillé un feu rouge et en a percuté une autre. Il n'y a eu aucun survivant. Les deux pilotes des véhicules ont été tués sur le coup. Et l'un d'entre eux était ... »
Je le vois fondre en larmes et mon cerveau refuse de faire le lien entre toutes les pièces du puzzle. Je le regarde sans comprendre. C'est l'agent de police qui finit sa phrase.
« Madame Berry, l'une de vos collègues, étaient l'une des deux victimes. Le chauffard a percuté sa voiture. Elle n'a pas eu le temps de souffrir. »
Je ne réagis pas sur le coup. Mon cerveau a dû s'éteindre et mon corps a dû prendre le relais, je pense. Sans même que je m'en rende compte, je suis dans le couloir en train de me diriger vers le parking. Je vois des gens sur le chemin qui me font des signes de tête, qui me parlent mais je n'entends rien. Je leur passe à coté sans m'en rendre compte et je me retrouve dans ma voiture. Je ne sais pas pourquoi mais je n'arrive pas à pleurer. Je ne me sens pas triste. Juste vide. Je franchis la porte de mon appartement sans même savoir comment je suis arrivé là. Je ne cherche même pas à savoir. Je ne veux plus rien savoir.
Voilà tout ce qui s'est passé. Et quelques heures plus tard, je me retrouve allongé sur mon tapis, en larmes et bourré. Y'a pas d'autres termes, je crois. J'arrive quand même à me redresser et je me retrouve adossé à mon canapé, les genoux relevés et mes bras qui les entourent. C'est sûrement un des effets de l'alcool mais je revois très clairement tous les moments passés avec Kate. Sa joie de vivre. Ses yeux, son rire, ses cheveux, son sourire. Et chaque souvenir me fait réaliser que jamais je ne la reverrai. Je n'ai jamais eu l'occasion de lui dire à quel point je la trouvais belle. Je n'aurai jamais l'occasion de la serrer dans mes bras pour lui dire combien je l'aime. Tout ça à cause de moi ! Je suis le seul responsable … Pas seulement du fait que j'aurais dû lui parler plus tôt … C'est moi qui l'ai invité à venir chez moi !
Cette pensée me fit l'effet d'une douche froide. Je l'ai invité chez moi et elle est morte en chemin. Si seulement j'avais pu me retenir, ne rien dire ! Elle serait encore en vie ! J'entends mon portable qui vibre dans ma poche. J'ai arrêté de compter après la quinzième fois. Je le sors de ma poche. Will tente de me joindre. Je balance le téléphone à travers mon salon et je l'entends percuter le mur avec violence. Je suis pas sûr qu'il soit encore en très bon état après ça. Enfin, je m'en soucie plus. Plus maintenant. J'arrive à me remettre debout en m'aidant de mon canapé.
Tout est de ma faute. Je l'ai tuée. Je titube vers le balcon de mon appartement et je me retrouve dehors. Le vent froid me fait frissonner mais je regarde la vie de New York continuer son cours. Comment continuer à vivre après ça ? Je me le suis toujours demandé. Comment font les familles qui ont perdu un enfant pour continuer à vivre ? Comment continuer avec toute cette peine ? Je ne le peux pas. C'est trop pour moi. Kate m'aidait à continuer jour après jour. Elle était la seule raison pour laquelle je m'accrochais à cette vie de professeur. Je passe une jambe par dessus le rebord de mon balcon, puis la seconde. Je me retrouve debout en équilibre, à cinq étages du sol, seulement retenu par mes mains accrochées au balcon. En bas, j'arrive à voir les formes indistinctes de personnes inconnues. Les gens sont si petits à cette hauteur. Cette pensée me fit rire. Si petit. Nous sommes tous si petits. Après tout, une personne de plus ou de moins ici-bas, ça changera quoi ? Je sens mes doigts se desserrer de la rambarde. Une pensée va vers Will, qui va perdre deux professeurs en l'espace d'une semaine. Une pensée étrange s'en va vers ceux qui vont devoir tout nettoyer. Je me sens un peu désolé pour eux quand même. Et surtout, mes pensées vont vers Kate. Je la vois me sourire derrière mes yeux fermés.
« J'arrive. »
Mes doigts lâchent la rambarde. |