Cachots

[Isara]

// Isa attendait, la réponse d'Arsenic, toujours son fameux sourire aux lèvres. Mais elle le perdit bien vite en entendant ce que répliqua la Serpentarde. //

- Savais-tu que, mis bout à bout, nos vaisseaux sanguins s'étendraient sur plus de cent mille kilomètres ?

//Mais il était décidément impossible de suivre une conversation normale avec cette fille, soit elle ne répondait pas, soit elle répondait à côté. Isa se demanda si cela valait le coup et hésita à ne pas la planter là, mais en bonne personne opiniâtre qu'elle était, elle resta. Elle regarda plus attentivement la jeune femme qui lui faisait face et c'est à ce moment là qu'elle vit les cicatrices sur l'avant bras auparavant caché par la manche de la robe de sorcière d'Arsenic. Ces stigmates donnaient surement une explication à l'étrange comportement de la Vert-et-Argent. Isa savait combien l'histoire de chaque personne pouvait changer sa façon d'être, pour en avoir fait elle-même l'expérience. Ces marques lui donnèrent l'envie d'essayer d'instaurer une amitié entre elle et Arsenic, ce qui n'allait pas être facile vu son attitude farouche qui indiquait clairement qu'elle tenait les autres à distance. Perdue dans ses pensées, elle failli ne pas entendre ce que dit ensuite Arsenic. //

- Qu'entendais-tu par "beaucoup de choses" ? questionna-t-elle.

// Isa mit du temps à comprendre ce que lui demandait Arsenic, ayant perdue le file de la conversation. En effet, elle s'était égarée dans des souvenirs auxquelles elle préférait ne pas penser, mais qui refaisait toujours surface quand elle s'y attendait le moins. Repenser à sen enfance et à son innocence envolée, lui miner toujours le moral. Elle se secoua la tête comme pour chasser toutes ces idées noires et fixa à nouveau son attention sur son aînée. //

- Tu ne penses pas qu'il serait plus simple que tu me dises ce que tu veux et que je réfléchisse ensuite à si cela en vaut la peine...

// La Serpentarde semblait encore être parti ailleurs et mit de nouveau un moment à répondre. Mais la Serdaigloise commençait à s'habituer à ses silences qui ne la dérangeait plus autant et attendit patiemment la réponse qui allait suivre, persuadée d'être à nouveau surprise par Arsenic, ce qui n'était pas pour lui déplaire. //

[Arsenic Rosidae]

// Un minuscule papillon de nuit s'échoua sur la cloison de droite, à quelques centimètres à peine de la Serpentarde. Cette dernière fit mine de ne pas l'avoir remarqué et se retint donc de le broyer de son poing. Elle n'appréciait guère que l'on pénétrât dans son espace dit vital, qu'il s'agît d'un être humain ou de la plus ridicule des bêtes. Elle fit un pas de côté, pour s'écarter de l'insecte. //

- Tu ne penses pas qu'il serait plus simple que tu me dises ce que tu veux et que je réfléchisse ensuite à si cela en vaut la peine...

- Ton âme, répondit-elle d'un ton atone.

// Elle avait lâché ces deux simples mots hardiment, dans le moment de lucidité grotesque qui était survenu. Arsenic souriait toujours, les coins de sa bouche rosie relevés de seulement quelques micromètres. Après une demi-minute de silence, elle lança, presque joyeuse : //

- Hihi, je plaisantais. Je me contenterai d'un de tes cheveux, long de quatorze centimètres exactement.

// Et comme gage de son sérieux, elle dévoila sa paume et la tendit vers sa camarade. La septième année ne savait pas vraiment rire, ou du moins, elle ne savait plus. Sa malice était de mauvais goût et l'éclat de sa voix risible. Personne ne parvenait à l'amuser ; personne n'essayait vraiment au fond. Mais la fille Rosidae ne s'en rendait de toute façon pas compte. Son univers était froid et cruel, et ressentir de la compassion pour elle était la dernière erreur à faire. La jeune femme ne pouvait pleurer et regretter ce qu'elle ne se souvenait pas avoir connu. Et pleurer pour elle était aussi salutaire que de sauter d'un avion à dos de chèvre sans parachute.

Ce fut à ce moment précis que le papillon décida qu'il était temps pour lui de mourir. Il se décrocha du mur de pierre et engagea une curieuse danse devant les yeux bistre de la Vert-et-Argent. Ne résistant plus, celle-ci l'attrapa au vol et arracha ses ailes sans mot dire. Puis, elle laissa le reste choir sur le sol, amorce d'une agonie terrible. Elle observa les ailes sous chaque angle, avant de finalement les présenter à sa camarade. //

- En échange, voici deux faux élytres répugnants.

[Isara]

// Isa n'avait pas eu tort, la réponse d'Arsenic fut une fois de plus inattendue. //

- Ton âme, répondit-elle d'un ton atone.

// Alors qu'Isa s’apprêtait à lui répondre que c'était quand même très cher payé pour une chose qu'elle pouvait après tout faire par elle-même, la Serpentarde poursuivit. //

- Hihi, je plaisantais. Je me contenterai d'un de tes cheveux, long de quatorze centimètres exactement.

// La jeune femme tomba encore de haut, mais que voulait donc faire Arsenic d'une mèche de ses cheveux et de surcroît de quatorze centimètres. Elle pensa aussi que la Serpentarde était décidément bien versatile, passant d'une attitude froide et hautaine à une attitude plus amicale même si le terme ne semblait pas convenir pour décrire Arsenic. Isa n'arrivait pas à cerner son aînée et cela l'intriguait car c'était assez rare. Elle avait plutôt tendance à comprendre instinctivement les autres et ne ce trompait guère dans ses interprétations. Mais là, Arsenic restait une énigme et donc un défi à relever, ce qui enchantait d'avance Isadora.

Par contre, la Serdaigloise se doutait que ce n'était pas en ayant pitié de son aînée qu'elle allait l'attendrir, elle détestait qu'on ai pitié d'elle et se doutait qu'il en allait de même pour la fière Serpentarde. Décidée à rentrer dans son jeu, elle approcha sa main de ses cheveux pour en arracher une mèche. C'est à ce moment-là, qu'elle vit Arsenic attrapé un papillon et lui ôter ses ailes pour les lui tendre. //

- En échange, voici deux faux élytres répugnants.

// Pour le coup, Isa fut choquée et ne se gêna pas pour le faire comprendre. //

- Non, mais quelle violence, cette pauvre bête ne t'avait rien fait.

// La Serdaigloise se doutait bien que son coup de gueule allait passer bien au dessus de la Vert-et-Argent, mais les paroles lui avaient échappées. Elle n'aimait pas la violence gratuite même sur des animaux. Arsenic était pour le moins déstabilisante, et Isa eut une fois de plus du mal à suivre le cheminement des pensées de son aînée. Elle lui répondit néanmoins, espérant déconcerter à son tour Arsenic. //

- Non merci, tu peux garder ton présent, je n'ai de toute façon pas l'intention de te donner une de mes mèches de cheveux, je tiens trop à ma liberté pour la perdre entre tes mains et je ne sais pas ce que tu pourrais faire avec un seul de mes cheveux.

// Isa se retient à grande peine de tirer la langue à Arsenic, mais sa taquinerie s'entendait de toute façon dans sa voix et elle arborait de nouveau son sourire espiègle. //

[Arsenic Rosidae]

// Arsenic dut ramener sa main aussi blanche que froide vers elle. Sa camarade n'avait pas l'air enchantée par ce qu'elle lui offrait, mais qui l'aurait été ? //

- Non, mais quelle violence, cette pauvre bête ne t'avait rien fait.

// La Serpentarde haussa les épaules. Lui parler de violence, voire la sermonner pour cela, n'était d'aucune utilité. Elle n'y voyait aucun mal ; son père le lui avait clairement expliqué. La loi du plus fort était toujours d'actualité, bien que le public s'accordait à désavouer ce fait. Mais la vie n'était-elle pas injuste pour tous ? La jeune Rosidae mettait un terme à l'existence d'un insecte, tandis qu'ailleurs sur Terre un chat plantait sa griffe dans la queue d'un mulot et jouait avec, jusqu'à finalement lui ouvrir l'abdomen. La vie entrainait la violence, et sans la violence il n'y avait pas de vie. Chaque être était né avec un esprit combatif, plus ou moins assumé, prêt à se battre pour subsister. La Vert-et-Argent ne se sentait pas d'expliquer ceci à sa cadette, l'aurait-elle compris de toute façon ? //

- Non merci, tu peux garder ton présent, je n'ai de toute façon pas l'intention de te donner une de mes mèches de cheveux, je tiens trop à ma liberté pour la perdre entre tes mains et je ne sais pas ce que tu pourrais faire avec un seul de mes cheveux.

// De nouveau, Arsenic eut un geste presque désinvolte, peu affectée par le refus. Celle qui se tenait devant elle semblait être dotée d'un caractère plutôt fort et impulsif ; elle irait sans doute plus loin que ceux se contentant de hocher la tête à tout va. Cependant, et selon la septième année, sa sensibilité l'empêcherait de dominer. La Serpentarde fixa un moment les deux ailes du papillon, avant de les lâcher sans plus de cérémonie. //

- Le papillon de nuit est un animal sale qui propage des maladies ; et la dispersion de ses mues et autres immondices entraîne de pénibles éruptions cutanées et irritations oculaires. Je viens certainement de sauver ta peau - au sens propre, remercie-moi.

// Elle souligna son petit exposé d'un salut de la tête léger, comme pour signifier à sa camarade qu'il y avait toujours de bonnes raisons - ou plutôt excuses - d'abréger une vie. L'héritière Rosidae était loin d'être idiote, très loin même, mais elle avait tendance à prendre son temps. Jamais ô grand jamais elle ne courrait. Le temps était son ami, elle n'était pas pressée. C'était pour cela que la plupart de ses réponses arrivaient en retard et que les conversations en sa compagnie prenaient souvent des tournures étranges. //

- Un cheveu aurait été utile pour la confection de ce que vous appelez poupées vaudou, bien que je préfère utiliser le terme de wangas. D'ailleurs, Wanga, n'est-ce pas une localité du Congo ? Cela signifierait que ce moyen très divertissant d'envoûtement provient de ce pays ? Es-tu déjà allée au Congo ?

// La Vert-et-Argent réfléchissait à voix haute. Certains auraient dit qu'elle se perdait dans ses pensées, incapable de suivre un ordre logique. Elle regarda sa condisciple, imaginant une poupée à son effigie. //

[Isara]

// Isa remarqua au geste désinvolte d'Arsenic que celle-ci ne lui en voulait pas de son refus. Heureusement, elle ne voulait pas la vexer mais franchement le cadeau de son aînée la dégoûtait trop. Elle ne serait jamais une très bonne "potionniste" d'ailleurs, elle répugnait à toucher la plupart des ingrédients. Arsenic finit par laisser tomber les deux ailes et Isa évita de regarder les restes du pauvre animal, se concentrant plutôt sur la Serpentarde. Elle admira sa silhouette gracile, elle aurait donné n'importe quoi pour avoir la même. Elle complexait toujours autant sur ses rondeurs et n'aimait décidément pas son corps. //

- Le papillon de nuit est un animal sale qui propage des maladies ; et la dispersion de ses mues et autres immondices entraîne de pénibles éruptions cutanées et irritations oculaires. Je viens certainement de sauver ta peau - au sens propre, remercie-moi.

// Comme toujours, les paroles de la Vert-et-Argent étaient surprenantes mais démontraient aussi une grande culture qui s'atteignait surement grâce à une lecture abondante et diversifiée. Isa sentait qu'elle allait trouver un terrain d'entente si la Serpentarde était une lectrice aussi acharnée qu'elle. La phrase suivante d'Arsenic la sortit de ses pensées. //

- Un cheveu aurait été utile pour la confection de ce que vous appelez poupées vaudou, bien que je préfère utiliser le terme de wangas. D'ailleurs, Wanga, n'est-ce pas une localité du Congo ? Cela signifierait que ce moyen très divertissant d'envoûtement provient de ce pays ? Es-tu déjà allée au Congo ?

// Isa ne prit même plus la peine de s'étonner des propos d'Arsenic, elle s'était habituée à son incohérence et sa manie de passer d'un sujet à un autre. //

- Je crois que je dois te remercier pour ma peau. Mais ton intention de faire une poupée vaudou, ou wangas comme tu dis, à mon effigie me fait dire que ma peau n'est pas vraiment sauvée.

// La Serdaigloise n'avait pu s'empêcher de taquiner une fois de plus Arsenic, même si celle-ci ne semblait pas sensible à son humour. //

- Non, je ne suis jamais allée au Congo, et toi ? Ca doit être passionnant, leur culture est si intéressante...

// Une fois n'est pas coutume, Isa attendait avec impatience la réponse d'Arsenic en espérant que pour une fois, elle ne répondrait pas à côté. Hardiment, elle se rapprocha de la Serpentarde et tendit la main comme pour attraper celle d'Arsenic, dans un geste amicale, avant de se rappeler que ce n'était probablement pas une bonne idée. //

[Arsenic Rosidae]

- Je crois que je dois te remercier pour ma peau. Mais ton intention de faire une poupée vaudou, ou wangas comme tu dis, à mon effigie me fait dire que ma peau n'est pas vraiment sauvée.

// Arsenic Rosidae étira ses fines lèvres roses en un sourire retors. Elle avait déjà imaginé mille et un scénarios de mort atroce pour la poupée qu'un jour elle confectionnerait, si tant est que quelqu'un acceptait de lui servir de cobaye. Peut-être devrait-elle essayer avec l'une de ses propres mèches. La jeune femme évalua très sérieusement cette solution durant les trois secondes de silence qui suivirent. Elle fut ramenée sur terre par la voix de sa camarade. //

- Non, je ne suis jamais allée au Congo, et toi ? Ça doit être passionnant, leur culture est si intéressante...

- Je préfèrerais encore danser la gigue avec un elfe de maison que de rencontrer des barbares incapables de maintenir un système en place.

// Il était difficile de juger si les paroles de la Serpentarde étaient racistes. En tant que narrateur connaissant toutes ses facettes, je serai tenté de répondre non. Arsenic considérait les peuples en fonction de leur capacité de gérance, et non par un autre critère. Ainsi, selon elle, les grandes nations étaient Scandinaves ; ces pays obtenaient les meilleurs résultats sur tous les plans. La Vert-et-Argent se prit à penser qu'une visite à sa grand-mère, en Laponie Finlandaise, ne pourrait que lui faire du bien.

Sans crier gare, sa condisciple se décala en sa direction et avança sa main. Les yeux bruns-gris de la septième année se posèrent sur cette paume d'apparence amicale. Elle resta ainsi la tête penchée en avant quelques instants, avant de finalement se redresser et contourner sa cadette ; ignorant totalement son geste. Maintenant dos à dos avec elle, Arsenic demanda : //

- Savais-tu qu'une poignée de main peut indiquer précisément le caractère premier de la personne en face de nous ?

// Son précepteur d'antan le lui avait enseigné, le plus sérieusement du monde. Tout se ressentait dans le contact ; la poignée de main était-elle fugace, molle, jointe à un regard ? La petite Arsenic d'alors s'était longtemps amusée à observer tous les amis de son père, notant dans un carnet les caractéristiques de chacun. La plupart d'entre eux s'étaient révélés méfiants. Elle avait par la suite demandé à son instructeur une analyse de sa propre personne, il avait été concis : "Vous, Mademoiselle, vous ne prenez même pas la peine de serrer les mains ; vous êtes vaniteuse." Elle rit faiblement à ce souvenir, il avait eu raison. C'était d'ailleurs la dernière fois qu'elle l'avait vu. La Serpentarde se retourna vers sa camarade et lança : //

- Ne crois jamais qu'un individu t'est acquis ; il n'existe rien de moins sûr qu'un être humain.

[Isara]

- Je préfèrerais encore danser la gigue avec un elfe de maison que de rencontrer des barbares incapables de maintenir un système en place.

// La réponse d'Arsenic aurait pu être choquante, mais elle n'avait pas tort dans le fond. En effet, les congolais avait une culture certes très intéressante mais d'un autre temps et arriéré par rapport aux européennes qu'elles étaient toutes deux. La Serdaigloise jugea qu'elle ne pouvait pas en vouloir à la Serpentarde de ne pas être aussi intriguée qu'elle par le reste du monde. Surtout qu'on voyait à la conversation qu'elles avaient qu'Arsenic était cultivée. Le terme de wangas était peu connu...

En y repensant, la Serdaigloise s'estima heureuse d'y avoir échappée à la poupée. Donner un de ses cheveux à la retorse Serpentarde, l'aurait nanti d'un bien trop grand pouvoir sur elle. Ce qui ne la rassurait pas du tout, Arsenic savait se montrer inquiétante... //

- Savais-tu qu'une poignée de main peut indiquer précisément le caractère premier de la personne en face de nous ?

** Ah, mon geste ne lui a donc pas échappé. J'espérais pourtant qu'elle se soit une de fois plus perdue dans ses pensées et ne l'ai pas vu. **

// Arsenic tourna le dos à Isadora qui s'en voulut une fois de plus d'avoir agit sans réfléchir. Mais quand comprendrait-elle, que son impulsivité lui jouait des tours. Ce n'était pourtant pas faute qu'on lui ai répété, c'était une des phrases préféré de sa mère. La Serdaigloise sentit la barrière que venait de dresser Arsenic, entre elles. Isa ne savait plus quoi dire, ni quoi faire pour rattraper sa maladresse. //

- Ne crois jamais qu'un individu t'est acquis ; il n'existe rien de moins sûr qu'un être humain.

// Les derniers mots d'Arsenic découragèrent Isa qui avait l'impression de ne plus pouvoir revenir en arrière. Elle mit de longues minutes à répondre, et se força à bien réfléchir à chaque mot qu'elle allait prononcer. //

- Je ne savais pas, non, mais j'aimerais bien apprendre. Cela peut être intéressant d'avoir une idée du caractère de la personne juste en lui serrant la main. Et je suis d'accord avec toi, on en peut pas acquérir un être humain, tout bêtement parce que ce n'est pas un objet...

//Isa avait prononcer ses mots tout doucement, espérant ainsi amadouer Arsenic et obtenir de nouveau un peu de son attention... //

[Arsenic Rosidae]

- Je ne savais pas, non, mais j'aimerais bien apprendre. Cela peut être intéressant d'avoir une idée du caractère de la personne juste en lui serrant la main. Et je suis d'accord avec toi, on ne peut pas acquérir un être humain, tout bêtement parce que ce n'est pas un objet...

// Un bête silence s'ensuivit. Oserait-elle... ? Arsenic Rosidae avança vers sa camarade. De taille, elles s'équivalaient ; la Serpentarde ne trichait que très rarement et portait donc peu de talons. La couleur de ses yeux oscillait entre le bistre et l'anthracite, bien que la nuance ne fût pas simple à détecter. //

- Je ne pensais pas au mot "acquis" de cette façon ; tu peux acheter un être humain, toute personne suffisamment cossue le peut. Comme l'on peut acheter tout animal, tout elfe de maison, tout objet. Ce que tu ne peux pas obtenir aussi aisément, c'est sa fidélité.

// Elle avait osé. Elle passa une main dans ses cheveux, remit en place une mèche rouge et en profita pour frotter légèrement son front. La jeune femme avait plusieurs manies qu'elle ne cherchait pas à dissimuler ; elles lui permettaient de se concentrer. Ce devait être de famille puisque son père les collectionnait, lui aussi. À l'anniversaire des dix ans de sa fille aimée, il avait fait appel à un professionnel du déguisement. Un homme avait donc débarqué dans la résidence londonienne, costumé en pirate. Il était tellement pris dans son rôle qu'il avait été jusqu'à se faire greffer un crochet au bout de son bras... L'individu ainsi unciné s'était finalement révélé n'être qu'un vaurien de voleur. Alors qu'il braquait le père Rosidae, ce dernier avait été pris d'un mouvement compulsif et lui avait asséné un violent coup dans l'abdomen. Ce tic-là était tant handicapant qu'Arsène Rosidae avait consulté pour le faire disparaître. Et si vous vous posez la question quant à l'histoire du pirate, le malfaiteur avait terminé pendu au grand hêtre du jardin. //

- En ce qui concerne les poignées de main, je te conseille de simplement observer. Qui sait ce que les gens ont fait avant que tu ne prennes leur paume.

// La septième année eut une moue de dégoût ; elle abhorrait les contacts humains pour plusieurs raisons, et l'une d'entre elles était l'hygiène. Très portée sur la propreté, elle ne supportait pas les transports en commun ou les lieux publics en général. //

- Te laves-tu régulièrement les mains ?

// Sa question était tout à fait sérieuse, bien que maladroite. Et encore, la Vert-et-Argent s'était contenue. Elle aurait volontiers demandé pour les cheveux, les dents, le corps... Elle regarda subitement les pierres des murs, vite distraite par son environnement. Au loin, elle percevait des bruits de pas, des cris, des miaulements, un écoulement d'eau, un claquement de porte, un frottement de mine sur le papier... Dès qu'elle perdait sa concentration, Arsenic était submergée ; son ouïe était bien trop développée pour lui permettre ne serait-ce qu'une seconde de silence absolu. Elle secoua sa tête et sourit. //

[Isara]

// En attendant la réaction d'Arsenic, Isa regarda plus attentivement la partie des cachots ou elles se trouvaient. Elle n'en avait pas l'habitude préférant, en général, partir le plus rapidement de ces lieux. Comme tous le reste du château, les murs étaient couverts de portraits plus ou moins étrange. Sur celui qui était juste à côté d'elle, il y avait un homme étrange, on aurait pu penser à un pirate car à la place du poignet droit il y avait un crochet. Mais l'homme, unciné, était vêtu d'habit classe qui ne pouvait pas convenir à un bandit.

La serdaigloise sortit de ses pensées, en voyant son aînée se retourner et s'approcher d'elle. La première chose qu'elle pensa, c'était qu'elle avait du réussir à accrocher de nouveau l'attention d'Arsenic. En la voyant ainsi s'avancer vers elle, Isadora aurait pu avoir peur, après tout la Vert-et-Argent était intimidante, mais aucune mauvaise intention ne semblait en émerger pour l'instant. //

- Je ne pensais pas au mot "acquis" de cette façon ; tu peux acheter un être humain, toute personne suffisamment cossue le peut. Comme l'on peut acheter tout animal, tout elfe de maison, tout objet. Ce que tu ne peux pas obtenir aussi aisément, c'est sa fidélité.

** Décidément, c'est une aubaine que cette rencontre. Une conversation avec Arsenic est certes surprenante mais aussi passionnante. On a pas le temps de s'ennuyer, et même si je ne partage pas toujours ses convictions, ce qu'elle dit n'est pas dénué de sens. **

// Isa vit la serpentarde se passer une main dans les cheveux, tic qu'elles avaient en commun, et se perdre de nouveau dans ses pensées. Elle attendit alors patiemment la suite, commençant à comprendre le fonctionnement de son aînée. //

- En ce qui concerne les poignées de main, je te conseille de simplement observer. Qui sait ce que les gens ont fait avant que tu ne prennes leur paume. Te laves-tu régulièrement les mains ?

// Comme elle l'avait deviné, Arsenic n'avait pas fini de parler. Isadora vit une moue de dégoût se peindre sur le visage de la serpentarde. //

- Tu n'as pas tort pour les êtres humains, même si j'aime à penser que tout le monde n'est pas achetable... Et pour répondre à ta question, je me lave régulièrement les mains, même si je n'ai aucune idée de ce que régulier veut dire pour toi. Je n'avais jamais pensé à ce genre de chose avant de serrer la mains d'une personne et je suis une personne très tactile donc je ne pense pas suivre ton conseil même si il est surement avisé.

// La Bleu-et-Bronze savait qu'elle était allée loin dans ses propos, mais elle commençait à se sentir en confiance avec Arsenic et n'avait plus envie de prendre des pincettes. Elle se disait que la conversation serait plus stimulante pour toutes les deux, si elle osait répondre. //

[Arsenic Rosidae]

// Un peu lassée par sa position debout et plus figée qu'un rat d'élevage congelé en train de se faire disséquer, la jeune Rosidae s'adossa au mur à sa droite. Elle n'était pas particulièrement fatiguée et ses jambes ne la faisaient pas souffrir ; cependant, rester ainsi au milieu du couloir lui apportait un vague sentiment d'insécurité. Qui sait ce qui aurait pu surgir dans son dos et la dévorer toute crue ? Un ogre, un troll, ou pire encore, un affreux singe rubicond ! Alors qu'accotée contre la pierre de la sorte, son champ de vision englobait presque l'intégralité de la galerie. Avec sa baguette bise en épine noire à portée de main, rien ne pouvait plus la prendre par surprise. Non loin d'elle, sa camarade au nom toujours inconnu scrutait les lieux, sans doute peu habituée à l'atmosphère particulière des cachots.

Leur discussion n'était pas stérile, mais pas non plus très productive. Arsenic était une personne que l'ennui gagnait vite et leur jeu de questions-réponses risquait de la blaser plus vite qu'elle ne le pensait. Cela manquait tout simplement de spontanéité. Peut-être devait-elle se jeter sur l'anonyme, provoquer une dispute, la menacer, lui brûler les cheveux, la kidnapper, l'inviter à dîner... Euh non... oubliez la dernière proposition. Alors qu'elle mettait au point un plan infaillible, sa condisciple répondit : //

- Tu n'as pas tort pour les êtres humains, même si j'aime à penser que tout le monde n'est pas achetable... Et pour répondre à ta question, je me lave régulièrement les mains, même si je n'ai aucune idée de ce que régulier veut dire pour toi. Je n'avais jamais pensé à ce genre de chose avant de serrer la mains d'une personne et je suis une personne très tactile donc je ne pense pas suivre ton conseil même si il est surement avisé.

// Par réflexe, la Serpentarde porta son regard sur les mains de sa cadette, puis sur les siennes. Ce qu'elle entendait par régulier, c'était au moins une fois par heure. Oui, elle était plutôt - voire totalement - maniaque. //

- Libre à toi de contracter une maladie incurable parce que tu as laissé n'importe quel malpropre t'approcher, mais il est inconcevable que j'en fasse de même.

// Supposant qu'après autant de minutes écoulées, il était temps d'en savoir plus sur son interlocutrice, la septième année demanda à brûle-pourpoint : //

- Es-tu une de ces orphelines dont la seule activité est de se morfondre ?

// Il lui arrivait de poser cette question depuis une rencontre marquante quelques années auparavant. Une fille de Poufsouffle avait passé un après-midi entier à pleurer sur son existence et la perte de ses parents ; la jeune Arsenic de l'époque avait eu tôt fait de ne plus supporter ses jérémiades et l'avait bâillonnée puis enfermée dans le placard à balais du rez-de-chaussée. La pauvre Jaune-et-Noir n'avait été retrouvée que deux jours plus tard. Ne disait-on pas aux grands désagréments les grandes punitions ? À moins qu'il ne s'agissait là que d'une locution repensée... //